Christian Estevez Laisser un commentaire

Aujourd’hui, 10 décembre 2024, est la date du 98e anniversaire d’Alla Ilchun, muse de Christian Dior, puis d’Yves Saint-Laurent, et dont la mémoire est particulièrement ravivée au niveau international grâce au travail de Mr Berlin Irishev, auteur d’un livre biographique sur Alla, qui connait, à présent, quatre éditions en quatre langues des plus parlées dans le monde et d’un film documentaire.

L’occasion, pour nous, de rendre hommage à cette variable icône, non seulement de la mode, mais de l’élégance et de la féminité, dont la Maison Dior a repris l’un des clichés la montrant aux côtés de Christian Dior pour la collection « Croisière 2025 », par le biais d’une interview de Mr Irishev, que nous vous proposons ici.

Le 10 décembre 1926 naissait, en Chine, Alla Ilchun, fille d’un père kazakhstanais et d’une mère russe, et qui devint la muse du grand couturier français Christian Dior et dont la Maison Dior a remis,

A l’occasion de son 98e anniversaire, nous avons décidé de rendre, hommage, nous aussi, à Alla, en interviewant Mr Berlin Irishev, réalisateur d’un film documentaire et auteur de premier livre consacré à la muse, d’abord de Christian Dior, puis d’Yves Saint-Laurent (dont il existe, à présent, quatre éditions, dans quatre des langues les plus parlées dans le monde, à savoir, dans l’ordre chronologique des éditions : le russe, le français, le chinois et l’anglais) qui fut donc muse, mais aussi icône, et, en fait, la première véritable « super-model » de l’histoire de la Mode au niveau mondial.

Christian Estevez : Récemment, Dior a annoncé la sortie de la collection « Croisière 2025 ». Désormais, dans les vitrines de la marque, on peut admirer des robes, des jupes, des chemisiers et des accessoires ornés de portraits du fondateur de Dior aux côtés de son mannequin Alla Ilchun. Lorsque l’on cherche « Alla » sur Google, votre nom apparaît souvent, car vous êtes l’auteur de plusieurs ouvrages sur elle. Son nom était voué à l’oubli, mais vous l’avez ressuscitée. Quel est votre avis sur cette collection, et plus précisément sur l’apparition de photos du fondateur de la maison en tandem avec Alla (qui est, d’ailleurs, celle que vous aviez mis en avant sur la couverture de la première édition de votre livre consacré à Alla Ilchun) ?

Berlin Irishev : Ce tandem n’est pas un hasard, c’est même une étape symbolique pour la maison Dior. Cet tandem de duo a révolutionné la mode : en 1947, pour la première fois dans l’histoire de la haute couture, une mannequin asiatique apparaît. En tant que modèle, Alla a été choisie par Monsieur Christian Dior lui-même à l’époque du racisme florissant. De ce point de vue, Monsieur Dior a fait une révolution dans le monde de la Haute Couture !  Alla était citoyenne du monde parlé en 5 langues et elle a réussi à mettre en valeur son multiculturalisme. Par sa beauté exotique, sa grâce aristocratique et son charisme incroyable, Alla  était considérée comme l’Ambassadrice de la maison Dior dans le monde entier. Je remercie énormément la maison Dior pour l’idée de lancer cette collection, incluant une photographie de ce tandem légendaire.

C.E. : Selon Google, vous êtes également banquier, économiste et diplomate de formation. Qu’est-ce qui vous a conduit à vous intéresser à l’histoire de la mode ?

B.I. : Un pur hasard. Lors d’une promenade dominicale dans le parc Monceau, j’ai acheté le portrait d’une femme asiatique inconnue sur un marché d’antiquités. Le vendeur ignorait qui était représenté sur ce portrait, et moi non plus je ne savais pas qui j’achetais. Mais j’ai eu le pressentiment qu’il s’agissait d’une figure marquante, qui s’est avérée être la muse du couturier de rêve, Christian Dior, une certaine Alla Ilchun. Cela s’est passé en 2018. Dès l’année suivante, avec l’équipe de l’Association des Kazakhs en France (AKF), nous avons réussi à écrire l’histoire de la muse de Dior.

C.E. : Depuis, vous avez publié des livres sur Alla dans quatre langues : en France, en Chine, aux États-Unis, au Kazakhstan et en Russie.

B.I. : Oui, l’idée de publier ces livres en français, chinois, anglais et russe est venue de Jérôme Gautier, ancien rédacteur en chef de la maison Dior. À la fin de 2019, le manuscrit du livre avait été soigneusement édité par Jérôme Gautier et prêt pour l’impression. Mais ensuite, la pandémie de Covid a retardé sa publication par Dior. J’ai alors pris l’initiative de publier les livres dans ces différents pays.

C.E. : Quelles sont les différences entre ces éditions ?

B.I. : Bonne question. Elles diffèrent non seulement par leurs titres et les photos de couverture, mais aussi par leur contenu et leur orientation, qui sont adaptés aux spécificités de chaque pays.

C.E. : L’histoire d’Alla, fondée sur des sources documentaires, reste toutefois le socle commun à toutes ces éditions. Le livre publié récemment à New York présente Alla comme une icône du « New Look ».

B.I. : Oui, dans les éditions précédentes, elle était surtout présentée comme une Muse ou « la Perle de l’Orient » de la maison Dior.

Alla intégré à la maison Dior en 1947, à une époque où un trend (une tendance – ndlr) de « New Look », émergeait dans la mode mondiale. Ce courant prônait une féminité élégante, et Alla, avec sa taille de guêpe de 47 cm incarnait parfaitement ces canons. L’experte du Musée du Louvre, Catherine Ormen, auteur du livre « L’Art de la mode », l’a d’ailleurs souligné brillamment : « Alla était une beauté asiatique dotée d’un corps qui correspondait aux canons esthétiques du NEW LOOK. Mais c’est son air, impassible, distant, très aristocratique qui a retenu l’attention du couturier ». Cependant, dans les ouvrages publiés sur le New Look, je n’ai pas trouvé mention de son nom. Considérant cela comme une omission regrettable, j’ai décidé de combler ce vide, encouragé par la presse anglo-saxonne qui regorge de commentaires élogieux à son sujet.

C.E. : Comment la présentation de vos livres s’est-elle déroulée à New York ? Pouvez-vous nous parler de comment fut l’accueil de cette édition, aux États-Unis d’Amérique ? De sa présentation au public ?

B.I. : Avec beaucoup d’intérêt. Lors de mon séjour de deux jours à New York, nous avons présenté le livre à l’université Columbia, dans deux prestigieux clubs de Harvard et au Yacht Club, où se rassemble généralement le beau monde new-yorkais, ainsi qu’au consulat général du Kazakhstan sur la 5e Avenue. Un événement marquant a été l’apparition de la couverture de ce livre à grand échelle sur Times Square.

Couverture du livre sur Alla Ilchun à l’honneur sur Times Square – New York (EUA)

C.E. : 2024 a été une année particulièrement riche de grands moments pour la mémoire d’Alla, présentation à New York puis vous étier au Japon. Comment est venue cette opportunité ?

B.I. : Alla a été la première mannequin asiatique en haute couture, ce qui nous obligeait à organiser une présentation au Japon. D’autant plus que l’année dernière, nous avons mené avec succès des présentations de l’incroyable histoire d’Alla à Pékin et à Shanghai. Alla a visité le Japon à deux reprises : en 1953, en accompagnant Christian Dior, puis dix ans plus tard, avec Yves Saint Laurent.

À l’époque, elle était présentée comme une mannequin d’origine chinoise, et son histoire restait énigmatique. Cette fois, nous l’avons présentée comme une Kazakhe par son père et une Russe par sa mère. Cela a eu un certain impact positive au Japon.

C.E. : Les japonais ont, eux-aussi, été très enthousiastes vis à vis d’Alla. Quels furent les moments les plus importants, à vos yeux, de cette découverte de la grande représentante de la mode que fut Alla, par le public nippon ?

B.I. : Oui nous avons aussi découvert une surprise dans le magasin Dior sur l’avenue Ginza à Tokyo ! Nous sommes entrés pour voir une photo historique du mariage de l’impératrice avec le prince, où elle portait une robe de mariée Dior. Nous avons été accueillis par Alla, ou plutôt son portrait, dans une robe Junon, encadré d’un magnifique cadre argenté. Cela nous a émerveillés.

C.E. : L’année 2024 a apporté de grandes chose concernant la mémoire et le rayonnement d’Alla, mais 2025 aura son lot de grands événements, lui aussi. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce qui est prévu ? Et puis, à présent, il y a cette statue d’Alla qui va être érigée.

B.I. : Le 10 décembre marque l’anniversaire d’Alla. Dans deux ans, ce sera son centenaire. Quels sont nos projets pour cette occasion ? Nous prévoyons de célébrer cette date historique par des événements majeurs. Notamment, nous avons lancé un concours pour créer un monument à Almaty (Kazakhstan – ndlr), la ville natale du père d’Alla. Cette idée a émergé lors des présentations à Shanghai, New York et Tokyo, où l’on nous demandait si une statue ou une place ou avenue en son honneur existait au Kazakhstan ?

Nous avons adopté cette idée et prévoyons de la concrétiser à l’aube du centenaire, en comptant fortement sur le soutien de la maison Dior. Il ne s’agit pas seulement de « Dior Heritage », mais aussi du volet marketing de ce projet. Les Chinois et les Japonais sont parmi les plus grands admirateurs de Dior. Leur culture et philosophie, profondément ancrées dans le respect des ancêtres, donneront une valeur symbolique particulière à ce monument, renforçant ainsi leur attachement à la marque Dior.

Je suis convaincu que la statue deviendra un lieu culte pour les touristes du monde entier.

Enfin, en érigeant cette statue au cœur de l’Eurasie, nous rendons hommage à la sagesse de Christian Dior lui-même.

L’actrice hollywoodienne Natalie Portman portant une robe mise mise à l’honneur par Alla Ilchun à l’occasion de sa montée des marches du festival de Cannes 2023

Mode : entrevue avec Berlin IRISHEV, l’homme qui a fait renaître la mémoire d’Alla Ilchun, muse de Christian Dior | La boussole – infos

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